Présentation – Argumentaire
Symposium du RRENAB
Québec, 2-4 juin 2017
Thème : Narrativité et politique
Le lecteur des récits bibliques, qu’il approche son sujet avec science ou foi, n’est pas neutre devant le texte. Certes, l’intérêt pour l’unique monde du récit tend à donner au narratologue biblique l’impression d’une certaine objectivité par rapport à sa lecture. Or les approches de la réception nous ont rendus conscient que cette « objectivité » n’est, au fond, qu’un leurre. Tout exégète, tout lecteur est historiquement situé : son lieu d’origine, son époque, sa classe économique, sa culture, son sexe, etc., tous ces lieux d’inscription font en sorte qu’il reçoit différemment le récit mis en examen. En bref, un même récit donne lieu à des lectures différentes créant une plurivocité, une polysémie.
L’analyse politisée interprète donc le texte biblique à partir des conditions matérielles de la vie quotidienne de ses lecteurs, exposant les façons dont l’on s’est servi et dont on se sert encore du texte biblique pour justifier des injustices ou, inversement, pour suggérer d’autres modèles sociaux qui favorisent la conscientisation et le changement. À l’intérieur de cette orientation exégétique, au moins deux grands courants ont vu le jour depuis la seconde moitié du 20e siècle. Il s’agit de l’interprétation postcolonialiste et les Empire Studies. L’exégèse postcolonialiste a pour origine l’étude des littératures modernes issues des colonies européennes qui ont accédé à l’indépendance dans le sillage de la Seconde Guerre mondiale. Les Empire Studies, quant à elles, émergent plutôt du monde de l’exégèse biblique même ou elles occupent une place aux côtés des méthodes historico-critiques et des méthodes formalistes. Même si cette approche s’est construite sur des bases jetées par des générations d’historiens qui étudiaient les contextes impériaux dans lesquels les textes bibliques ont été composés, ces nouveaux critiques regardent ces mêmes données à partir de nouveau lieux d’insertion socio-politiques.
L’exégèse postcolonialiste et les Empire Studies s’intéressent aux rapports de pouvoir entre les personnages mis en scène dans le monde narré et entre les lecteurs et lectrices dans le monde où sont lus ces récits. S’il est clair que les récits bibliques tournent souvent autour de la question de l’abus du pouvoir, les relations entre ceux qui abusent du pouvoir et ceux qui en sont les victimes demeurent fort complexes : rapports de domination et de soumission, de dépendance et d’indépendance, de désir et de révulsion, de résistance et de collusion. Les analyses proposées par de nombreux exégètes empruntant cette voie interprétative révèlent la capacité du récit à remettre en question les attitudes et les actions des classes dominantes tout en invitant le lecteur à adopter la perspective du monde qui est celle des classes dominées.
Ainsi, en utilisant les voies classiques de la narratologie, le symposium de Québec aura pour objet, d’une part, l’étude de l’influence exercée par les divers lecteurs sur la compréhension des récits bibliques, et, d’autre part, l’apport de ces récits sur la construction du monde du lecteur, tant par leurs ressorts narratifs que par les effets que ces récits produisent sur le lecteur.